Description du projet
Création 2004 d’après Colette
inserts dramatiques de Christophe Pellet
textes de Colette
Adaptation et mise en scène : Karine Saporta
Comédie Française – Théâtre du Vieux-Colombier
” Colette est certes l’écrivain d’une œuvre impressionnante dont le rayonnement ne cesse de grandir depuis sa disparition en 1954, mais c’est aussi une femme accomplie bousculant les conformismes de la troisième République.
Trois fois épouse, mère d’une petite fille, sensible au charme des jeunes hommes, elle ne dissimulera rien de ses liaisons avec d’autres dames. Autant d’éléments d’une vie réinvestis dans ses romans, par ce qu’elle dénonçait, non sans ironie, « être un manque d’imagination ».
Cette campagnarde laïque tient une place considérable dans le monde des lettres mais aussi dans la vie sociale et mondaine de son temps. De la Belle époque à la barbarie nazie, Colette favorisa par son comportement et ses écrits une meilleure compréhension de la femme.
Non seulement romancière mais tour à tour journaliste, chroniqueuse, critique musicale puis théâtrale elle se produisit également sur la scène des cabarets dans des mimodrames dont la renommée doit plus à leur caractère lascif et provocateur qu’à leur qualité littéraire. Colette aimait le monde de la scène et devait y consacrer un ouvrage intitulé L’Envers du music-hall. C’est ce récit qui sert ici de prétexte pour redonner vie à des conflits, des passions, des échanges, des réflexions, présents dans l’ensemble de son oeuvre.
Construit comme une sorte de biographie rêvée, fantasmée, donnant à entendre par instants des pages arrachées à ses plus beaux recueils, ce spectacle imaginé par la chorégraphe Karine Saporta, dont l’univers empreint de sensualité rappelle souvent celui de Colette, réunit huit acteurs de la Troupe (cinq femmes et trois hommes), un auteur dramatique Christophe Pellet, un compositeur Jean-Marie Sénia, en appelle aux conseils de la célèbre analyste-écrivain Julia Kristeva.
Colette entourée du Mari, du Jeune homme, du Souffleur, de l’Amante, de l’Amie, de la Mère… reprendra corps et voix sur une scène de théâtre. Art qu’elle affectionnait tant et dont elle connaissait parfaitement les difficultés et les plaisirs. Un spectacle visuel, musical et dramatique avec vue sur la scène et ses coulisses… ”
www.comedie-francaise.fr
De L’Envers du music-hall à l’écrivain, Colette
par Karine Saporta
Colette est à ma connaissance, le seul écrivain qui tout en n’étant pas particulièrement un auteur dramatique, ait fait l’expérience de la scène et du music-hall. Le seul écrivain qui ait consacré plusieurs ouvrages à la description du monde des coulisses et de « l’envers de ce que les autres regardent à l’endroit. »
Dans L’Envers du music-hall, et dans La Vagabonde, Colette décrit ses impressions de tournée au fil des jours et des soirs vécus dans ces théâtres parfois misérables mais qui portaient des noms éblouissants : l’Eden, l’Alcazar, l’Eldorado…
Impressions d’un monde très éloigné des milieux bourgeois ou intellectuels de l’époque. Un monde haut en couleur, heureux et malheureux à la fois, pauvre et laborieux, industrieux… à l’heure de l’extinction des feux de la rampe.
Les titres de ses deux ouvrages parlent d’eux-mêmes. Colette y décrit les visages dépoudrés, blafards… la peau devenue jaune parfois, comme elle se plaît à le dire. Elle y peint le vagabondage, les trains, les déplacements, l’errance. Elle y évoque la solitude dans l’appartement vide ou du mauvais hôtel que l’on rejoint épuisé après la représentation.
Artiste de music-hall, spécialisée dans la pantomime et la danse, Colette fait référence à cette forme de spectacle relevant d’une accumulation de « numéros » se succédant les uns après les autres dans la même soirée. Ses personnages revendiquent leur appartenance à cette famille-là, celle du music-hall, bien différente de celle du théâtre.
Humbles mais libres, les artistes de music-hall de l’époque, sont en prise directe avec le public populaire qui les comprend et qui les aime. Sans doute aussi, parce que la plupart de ceux qui foulent les planches des scènes de music-hall, viennent des classes sociales les plus défavorisées, les moins conditionnées aussi par une culture et une éducation réservées aux classes aisées, productrices de critères esthétiques, séparant le « bon goût » du « mauvais goût ».
Bien que courte, puisqu’elle n’aura duré que huit années tout au plus, la période passée par Colette sur la scène et dans les coulisses du music-hall est d’une immense importance pour la femme et l’écrivain. Elle correspond au moment douloureux, mais libérateur où Colette s’affranchit réellement de Willy et trouve à gagner sa subsistance par elle-même.
Celui où elle affiche de manière spectaculaire et scandaleuse son homosexualité, se donnant à voir une année, dans une pantomime où elle embrasse une autre femme, Missy, la fille du Duc de Morney avec laquelle elle aura eu sa plus longue passion féminine.
En ce qui concerne l’œuvre littéraire de Colette, je me suis aperçue en travaillant sur cette adaptation que toutes ses facettes étaient déjà contenues dans les deux ouvrages consacrés au music-hall. Toute la sensualité de Colette, son rapport au corps des autres, son amour de la lumière et de la nature, sa tendresse pour les animaux… pour les femmes !
J’ai donc construit Feu le music-hall en introduisant dans les textes de L’Envers du music-hall, beaucoup d’autres qui s’inscrivent aujourd’hui avec un naturel et une fluidité dans la dramaturgie du spectacle, qu’ils semblent avoir déjà été pensés par Colette pour figurer entre les lignes.
Pas étonnant, Colette était déjà « le génie féminin » comme le dit Julia Kristeva, que l’on connaît. Elle portait en elle ces thèmes qui font l’unicité attachante, et bouleversante de son œuvre.
Les conversations que j’ai pu avoir lors de la fabrication du texte de Feu le music-hall avec Julia Kristeva m’ont particulièrement éclairée sur le rapprochement possible entre les obsessions et les signes récurrents dans l’œuvre de Colette. Je suis parvenue, je crois, grâce à elles, à concevoir un texte riche et scintillant. La description quotidienne de la misère et de la gloire du music-hall s’y trouve émaillée de mille et un joyaux, trouvés dans l’ensemble de l’œuvre de Colette. Scènes fulgurantes ou alanguies, en les imaginant j’ai cherché Colette en moi, là où je l’ai de tout temps incestueusement aimée.
Dans un décor de couloir de loges, de planchers et de rampes réinventées, j’ai imaginé un spectacle gestuel, visuel, musical autant que littéraire… Que j’espère ludique, charnel et profond à la fois !
Karine Saporta – Juin 2004 www.comedie-francaise.fr
Feu le music-hall
d’après Colette
inserts dramatiques de Christophe Pellet
textes de Colette
Adaptation et mise en scène : Karine Saporta
avec Catherine Salviat, Cécile Brune, Sylvia Bergé, Françoise Gillard, Christian Cloarec
et
David Geselson , Joachim Salinger , Volodia Serre
Conseillère littéraire Julia Kristeva
Décor et Costumes Jérôme Kaplan
Musique Jean-Marie Sénia
Maquillages et coiffures Cécile Kretschmar
Assistante à la Mise en scène Ori Gershon
Assistante à la Mise en scène Isabelle Delamare