Description du projet

Création 2003

Pièce chorégraphique pour 5 acteurs de marionnettes et 5 danseurs

La chorégraphe Karine Saporta propose un spectacle étonnant mêlant danse et marionnettes.

Ce cabaret fantastique baignera dans une ambiance slave et se contemplera avec un verre de vodka et quelques zakousky (mets russes).

Conception, chorégraphie et mise en scène: Karine SAPORTA

Assistante – Image : Isabelle DELAMARE

Assistante chorégraphique : Débora SOTO

Décor et Costumes : Jérôme KAPLAN

Fabrication de décors : Patrice GIL

Fabrication des masques, mannequins et marionnettes : Slava BORISOV , Céline NAUD et Beate Blasius

Lumières : Philippe Andrieux

Interprètes : Laura COSTA CHAUD, Kirill JERTVINE, Sergey KREMNEV, Julia KRIVTSOVA, Aurélie MOREL,

Danil MOROZOV, Ioulia PAKOUCHINA, Anna SVETOVAYA, Lioudmila TROUBATCHEVA et Arthur ZAKIROV.

Karine SAPORTA au fil du temps avec la Russie…

Karine SAPORTA, née d’une mère russe et d’un père espagnol, entretient une relation très étroite avec la Russie. Cette nouvelle création s’inscrit dans la continuité d’une démarche qui conduit la chorégraphe à travailler depuis quelques années dans son pays d’origine.

Après deux tournées importantes en Russie, la création puis la reprise en 1998 de son spectacle sur la culture russe “(à ma mère) La fiancée aux yeux de bois”, Karine Saporta entame une longue collaboration avec Oleg Petrov et le Ballet Municipal d’Ekaterinbourg.

Celui-ci lui commande en 2000 une création sur le thème de “La Belle au bois Dormant”. Cette production “Belle, au bois Dormant. de larmes écarlate(s)” est l’occasion de la troisième tournée de la Compagnie en Russie dans des théâtres aussi prestigieux que le théâtre Marinsky à Saint-Petersbourg ou le théâtre Stanislavsky à Moscou.

Karine Saporta participe aussi depuis 1995 à un travail de formation en profondeur, en particulier à Moscou et Ekaterinbourg.

Karine SAPORTA Marionnettiste malgré elle ? …

” Elle crée des passerelles entre le monde de l’art, recherche jusqu’à l’extrême les rythmes et les formes pouvantt permettre au public une extase tant visuelle que sensorielle introduisant acrobaties, virtuosité, manipulation d’objets, jeux de lumières et d’ombre comme autant de consonnances nouvelles au sein de ses spectacles.

Karine SAPORTA travaille vers cette nouvelle forme d’art emmenant le spectacle dans des lieux à découvrir ou à revisiter, du théâtre au chapiteau, des usines aux jardins dessinés. ”

D’après Chantal AUBRY , Karine Saporta “La femme surréaliste”

Karine Saporta a en effet toujours été attirée par le masque, le travestissement, et une gestuelle empruntant à la magie du monde des “poupées”, “puppets”, “puppies”.

Il était naturel que son travail se porte un jour ou l’autre vers une mise en scène explicitant son rapport à la marionnette, au double objectal… Presque chacune de ses pièces en est une évocation subtile. L’occasion lui est offerte aujourd’hui, à travers ce partenariat avec l’institut de la marionnette, de créer et d’innover dans ce domaine où elle est à la fois maîtresse et autoditacte.

Marionnettiste malgré elle, c’est à Rosita Boisseau qu’elle confiera pour Télérama en mai 2000 lors de la création de “Belle…” : “Quant au côté “poupée” de mes danseuses, un terme que je ne supportais pas jusqu’à présent, je le revendique aujourd’hui, tant je me sens proche de cet art populaire dévalorisé qu’est le théâtre de marionnettes.”

De nombreux textes portant sur la démarche de Karine Saporta ont fait le lien entre le travail de la chorégraphe et l’univers de la marionnette, pour exemple :

La Fiancée aux yeux de bois (88/recréation en 98) :

Pour Dominique Frétard du Monde :

“La pièce est montée selon le principe des poupées gigognes. Emboîtage, déboîtage, orchestrés par des

danseurs automates,…”

Pour le Panorama du médecin, Véronique Faverel écrit que dans “La Fiancée aux yeux de bois”, les danseurs-marionnettes revêtent l’apparence de poupées russes, prisonniers des mailles du destin, concrétisées par des cordes, auxquelles les interprètes demeurent irréversiblement liés.”

Isabelle Cazes de 7 à Paris souligne cette particularité : “… Ses poupées russes aux longues chevelures tombantes, couvertes de fichus traditionnels, portent l’imperméable gris informe, à l’austérité soigneusement apprêtée, des peuples pauvres qui n’ont guère de beauté prête à porter. Pendues par les bras à des cordes, comme des pantins désarticulés, les yeux vides, les pieds en dedans, elles rêvent leur vie à défaut de vivre leurs rêves.”

Les taureaux de Chimène (89) :

“et une poupée de porcelaine se mue soudain en pasionaria… Guy Pacheu pour Ouest France,

Marcelle Michel pour Libération “… Karine Saporta s’est livrée là à une psychanalyse de l’âme espagnole. Ses infantes aux gestes de poupées, aux chevelures opulentes, aux formes pleines, …”

ou France Soir : “… celle d’un torero luttant pour son honneur face à une Chimène-poupée installée sur les fauteuils rouges d’un théâtre. Le Cid-toreador, la scène devenue arène, le public voyant son double sur cette scène devenue salle de spectacle, la boucle est bouclée.

La Chambre d’Elvire (93) :

Simone Dupuis écrit en 93 pour l’Express : “….Une poupée grandeur nature : un objet inaccessible, sacralisé, mystifié” tandis que Yannick Butel pour sa part relatera dans Ouest France : “…la danseuse possédée comme la poupée manipulée s’agite d’un mouvement vaporeux et vertigineux, torturé et libéré.”

Bien que la chorégraphe n’ait jamais elle-même revendiqué son appartenance à une forme de spectacle

dépassant le cadre de la représentation chorégraphique, il est indéniable que le travail de Karine Saporta

s’inscrit tantôt dans l’univers de la marionnette à fil (“Carmen”, “La Fiancée aux yeux de bois”,” L’Or ou le cirque de Marie”, “La Princesse de Milan”, “Phaeton”) tantôt dans celui du mannequin (“La Chambre d’Elvire”, “Douche Ecossaise”, ”Le Garage. Essai sur la mystique rock”, “Le Cabaret Latin”), celui du théâtre d’objets ou d’ombres (“Danses d’ameublement”, “l’Impur”…) ou encore de masques (“Le Bal du Siècle”, “les Guerriers de la Brume”).

A propos d’Andreï Roublev

Karine Saporta dédie son spectacle à Andreï Roublev, ce moine russe du 14e siècle, auteur de la célèbre icône de La Trinité, au sujet duquel Andreï Tarkovski a réalisé l’un de ses plus beaux films.

D’où le titre de cette création ” A Propos d’Andreï Roublev “, qui fait allusion aux différents états de la conscience russe, mais aussi au processus de mondialisation actuel.

Le mysticisme transfiguré par l’art répondant depuis des siècles en Russie à l’oppression, à la dictature et à la barbarie, disparaît aujourd’hui. Que va-t-il advenir de la Russie déchiquetée, fragmentée, défaite des composantes essentielles de son identité … ? Que va-t-il advenir de notre aptitude à résister au rouleau compresseur du matérialisme multiforme et conformiste … ?

Illusions, jeux de masques, de doubles et de proportions, ” A Propos d’Andreï Roublev ” jettera des passerelles entre la terre et le ciel, le monde matérialiste et le monde des ” esprits ” ; celui des objets, des jouets, et celui du vertige métaphysique.

Les interprètes évoluent dans un dispositif conçu pour perturber la perception des rapports d’échelle. Ils sont vêtus de masques et de têtes surdimensionnées qui leur ressemblent et côtoient des mannequins, des marionnettes de différentes tailles, dont certaines très petites.

” Dans les tiroirs de cette Russie douleur, il y a des affects, des bras de poupées brisés, des bandages et des accessoires pour panser une blessure politique.

Et puis, il y a ce rapport à l’enfance.

A l’enfance où la petite fille et la grand-mère jouent constamment à échanger leurs rôles. Le mot marionnette, dit-on, tire son origine du nom de la Vierge Marie.Vierge à l’enfant-poupée, poupée Vierge à l’enfant.

Icône de l’amour, amour de l’icône.

Miroir, kaléidoscope, ce spectacle pourrait porter le nom d’un autre film

d’Andreï Tarkovski, ” Le Miroir “, tant il évoque les dédoublements de la conscience, qui se produisent dans des instants de fragilité intérieure extrême. Où l’intégrité de l’être se trouve comme striée.

De Dostoïevski à Nabokov, en passant par Boulgakov, Tsétaïeva, ou Tarkovski, les cassures de l’âme et ses dédoublements amènent, les héros de la littérature et du cinéma russes, à vivre des formes d’hallucinations récurrentes liées à un sentiment de culpabilité puissant et douloureux. Images mentales diffractées témoignant de l’éclatement déchirant de la subjectivité, celles-ci font surgir de l’ombre des présences espionnes, menaçantes et manipulatrices.

Individuelle ou collective, l’âme russe est ce kaléidoscope infernal dessiné par un sentiment de la ” fatalité ” qui exclue le jeu de l’aléatoire.

Je crois bien reconnaître en moi les êtres qu’elle habite, ceux-là qui se trouvent a priori dans un état de déséquilibre inquiet. Entre vertige, jubilation extrême, désespoir et dénonciation de soi par soi.

Ces expéditions au fond noir de la trappe, mais aussi ces surgissements de l’abîme à la lumière, ces bascules de la conscience qui produisent à l’infini la poésie du miroir et de la répétition, je les ai fréquentés.

Et, je me demande toujours, malgré l’universalité des troubles de l’âme, mais qu’est-ce qui fait donc que ceux-ci se racontent quelque peu différemment dans cette langue, cette langue russe ? ”

Karine Saporta

Mars 2003

Extraits de presse

Les corps automates de Saporta et de Diverrès

Dominique Frétard – LE MONDE | 30.05.03

Paris. Catherine Diverrès, Karine Saporta, deux femmes chorégraphes inspirées par deux hommes et par l’histoire. …

Karine Saporta s’inspire, dans A propos d’Andreï Roublev, du célèbre moine, peintre d’icônes, auquel le réalisateur Tarkovski rendit en 1967 un hommage-fleuve hallucinatoire.

Dans les deux cas, il s’agit de dire la condition humaine, mais aussi le rôle de l’artiste, face à la barbarie, aux intégrismes. Début du XVe siècle, début du XXe siècle, aube du XXIe siècle : la question reste entière.

Ni l’une ni l’autre de ces deux chorégraphes n’a envie de baisser les bras. Et si toutes deux ont des noms reconnus, elles ne comptent pourtant pas que des supporteurs, tant les œuvres qu’elles ont présentées au cours de ces quinze dernières années, traversées par la question de la spiritualité, l’opacité de l’être, sont parfois jugées obscures, parfois par trop inachevées.

Mais toujours vibrantes d’une urgence, y compris dans leur maladroite fragilité. Karine Saporta, russe par sa mère, se reconnaît dans les dédoublements de la conscience des grands personnages de la littérature et du cinéma, mais aussi dans les fractures de cette Russie où elle crée régulièrement depuis 1998, notamment à Iekaterinbourg, dans l’Oural. C’est tout naturellement, mais non sans difficulté financière, qu’elle a entrepris ce projet sur le double et la duplicité avec cinq membres, très jeunes, de l’Institut de la marionnette de Ieroslav, ville située à 300 kilomètres de Moscou. Les masques que manient les marionnettistes, copies fascinantes de leurs visages, les mannequins et les figurines – objets de transfert et de magie sculptés par Slava Borisov, Céline Naud et Beate Blasius – brouillent, en se mêlant aux danseurs, la mort et la vie, la jeunesse et la vieillesse.